martedì 25 febbraio 2014

Lettera di Quaresima 2014 di Sua Beatitudine Gregorios III (FRA)



Lettre de Sa Béatitude Gregorios III,
Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,
d’Alexandrie et de Jérusalem,
pour le Carême 2014
La grâce du jeûne
    « Plus que toutes de gloire est comblée la grâce qui du Jeûne vénérable provient. »

    Lorsque nous avons commencé à penser au thème du Carême pour cette année, nous avons ouvert, au hasard, le Triodion (livre des offices et des prières propres au temps du Carême), et sommes tombés sur un cathisme qui commence par souligner la gloire de la « grâce du jeûne ». Nous avons vu en cela un signe de l’Esprit Saint. Nous l’avons écouté et décidé que l’objet de notre méditation et de notre lettre sera autour des belles significations du saint Carême.

    En effet, cette période de l’année et de notre vie chrétienne est une des plus saintes de l’année. Elle occupe une place privilégiée chez tous les fidèles de notre Église, malgré les nombreuses dispenses qui ont allégé le poids de l’aspect corporel de la loi du saint Carême.
Jeûne corporel et jeûne spirituel, inséparables
    Le jeûne a deux aspects : l’aspect corporel (ou physique) et l’aspect spirituel. Il n’est pas permis de séparer le jeûne corporel du jeûne spirituel. De même, il n’est pas permis de préférer ou favoriser le jeûne corporel par rapport au jeûne spirituel, ou le spirituel par rapport au corporel. L’Écriture Sainte, la tradition chrétienne, la coutume ecclésiastique, la logique et la sagesse naturelles démontrent l'importance des deux sortes de jeûne. Tous les deux sont une obligation de la dévotion et une preuve de notre foi en Dieu, ainsi qu’un acte d’amour à l’égard de Dieu et du prochain, surtout le prochain pauvre, qui est dans le besoin ou faible.

    Malheureusement, certains disent : Moi, je fais l’aumône au pauvre, et cela me dispense du jeûne. Ou encore : Je cesse de fumer pendant le Carême, et cela me dispense du jeûne. Ou aussi : Je cesse de manger du chocolat pendant le Carême, et cela me dispense du jeûne.

    Toutes ces choses sont de belles œuvres de vertu, mais elles ne dispensent pas du jeûne corporel traditionnel, qu’elles complètent et expriment, car elles sont une partie du jeûne.

    Le jeûne a un aspect familial, social et pastoral. Car non seulement l’individu jeûne, mais aussi la famille jeûne ensemble (le père, la mère et les enfants), et de même le quartier (là où il y a une agglomération de chrétiens) et la paroisse jeûnent. De sorte que le jeûne, par sa spiritualité, son but et tous ses aspects, entre au cœur de la personne, dans son âme, son corps, sa pensée, son imagination, toutes ses sensations et tous ses sens. Ainsi, la bouche, la langue, l’œil, l’ouïe, la vue, les oreilles, les mains et les pieds jeûnent. L’homme jeûne avec toutes ses composantes corporelles et spirituelles, avec toute son âme et toutes ses forces.

    Cela est démontré dans nos prières, qui s’adressent à l’âme et au corps. On le voit dans cette belle prière de la Liturgie des Présanctifiés (Proaghiasmena), dont voici le texte :

    « Dieu grand et digne de louanges, qui, par la mort vivifiante de ton Christ, nous as fait passer de la corruption à l’incorruptibilité, libère tous nos sens des passions qui tuent et donne-leur pour bon guide la raison intérieure : que l’œil s’abstienne de tout regard mauvais, que l’oreille soit inaccessible aux paroles oiseuses, que la langue se nettoie de tout discours inconvenant. Purifie nos lèvres qui te louent, Seigneur ; fais que nos mains s’abstiennent de toute œuvre perverse et n’accomplissent que celles qui te plaisent. Affermis tous nos membres et notre entendement par ta grâce. Car à Toi convient toute gloire, honneur et adoration, Père, Fils et Saint Esprit, maintenant et à jamais, dans les siècles des siècles. Amin. »

    Nos prières liturgiques abondent dans ce sens. Ainsi, à la fin des heures, nous disons cette belle prière : « Toi qui en tout temps et à toute heure, au ciel et sur terre, es adoré et glorifié, Christ Dieu, (...). Sanctifie nos âmes, rend chastes nos corps. Redresse nos raisonnements, purifie nos pensées. Et délivre-nous de toute tribulation, de tout mal et de toute douleur... »

    De même, nous donnons l’onction de l’huile aux malades en invoquant pour eux « la guérison de l’âme et du corps ».

    Dans ses prières, l’Église nous invite à nous lever, à nous asseoir, à nous agenouiller, à incliner la tête et le corps, à plier les genoux, à pleurer, à nous exclamer, à nous frapper la poitrine, ... De même, nous donnons l’onction du Saint Myron pour tous les sens et les membres de notre corps : le front, les yeux, le nez, la bouche, les oreilles, la poitrine, les mains et les pieds. De la même manière, l’enfant est oint avec l’huile avant d’être plongé dans l’eau du baptême.

    Ainsi en est-il du jeûne dans ses deux aspects, spirituel et corporel. La pratique de la vertu du jeûne et l’obligation du jeûne corporel consistent à s’abstenir de nourriture de minuit jusqu’à midi, ainsi que l’abstinence de certains aliments (viande et laitages), mais aussi en l’accomplissement de bonnes œuvres, l’aide aux pauvres et la solidarité avec les autres. Tous ces aspects sont liés, se complètent et constituent la pratique et le commandement du Carême et du jeûne.
La détresse morale et la présence de Dieu dans notre vie
    Je voudrais exprimer un des aspects de la grâce du Carême en citant des passages de la lettre du Saint Père le Pape François pour ce Carême :

    « Combien de familles sont dans l’angoisse parce que quelques-uns de leurs membres – souvent des jeunes – sont dépendants de l’alcool, de la drogue, du jeu, de la pornographie ! Combien de personnes ont perdu le sens de la vie, sont sans perspectives pour l’avenir et ont perdu toute espérance ! Et combien de personnes sont obligées de vivre dans cette misère à cause de conditions sociales injustes, du manque de travail qui les prive de la dignité de rapporter le pain à la maison, de l’absence d’égalité dans les droits à l’éducation et à la santé ! Dans ces cas, la misère morale peut bien s’appeler début de suicide. Cette forme de misère, qui est aussi cause de ruine économique, se rattache toujours à la misère spirituelle qui nous frappe, lorsque nous nous éloignons de Dieu et refusons son amour. Si nous estimons ne pas avoir besoin de Dieu, qui nous tend la main à travers le Christ, car nous pensons nous suffire à nous-mêmes, nous nous engageons sur la voie de l’échec. Seul Dieu nous sauve et nous libère vraiment.
    (...)
La détresse matérielle
    « Chers frères et sœurs, que ce temps de Carême trouve toute l’Église disposée et prête à témoigner du message évangélique à tous ceux qui sont dans la misère matérielle, morale et spirituelle ; message qui se résume dans l’annonce de l’amour du Père miséricordieux, prêt à embrasser toute personne, dans le Christ. Lui qui s’est fait pauvre et qui nous a enrichis par sa pauvreté. Le Carême est un temps propice pour se dépouiller ; et il serait bon de nous demander de quoi nous pouvons nous priver, afin d’aider et d’enrichir les autres avec notre pauvreté. N’oublions pas que la vraie pauvreté fait mal : un dépouillement sans cette dimension pénitentielle ne vaudrait pas grande chose. Je me méfie de l’aumône, qui ne coûte rien et qui ne fait pas mal.

    « Que l’Esprit Saint, grâce auquel nous “[sommes] pauvres, et nous faisons tant de riches ; démunis de tout, et nous possédons tout” (2 Corinthiens 6, 10), nous soutienne dans nos bonnes intentions et renforce en nous l’attention et la responsabilité vis-à-vis de la misère humaine, pour que nous devenions miséricordieux et artisans de miséricorde. »

Les prières liturgiques : une école spirituelle
    Les prières liturgiques sont une école spirituelle ; elles sont notre guide vers la grâce du jeûne spirituel et corporel. Le cathisme que je citais au début de cette lettre (Orthros du mardi de la cinquième semaine de Carême) part du jeûne corporel pour décrire ses aspects spirituels. En voici le texte :

    « Plus que toutes de gloire est comblée la grâce qui du Jeûne vénérable provient : par elle le prophète Elie trouva son char flamboyant et Moïse reçut les tables de la Loi, par elle fit merveille Daniel, Élisée ressuscita un mort, les Jeunes Gens éteignirent la fournaise de feu, par elle chacun devient l’ami de Dieu ; dans la joie qu’elle nous procure, chantons : Béni sois-tu, ô Christ notre Dieu qui l’as voulu ainsi ! Gloire à Toi ! »
    Ainsi, on voit clairement que le jeûne n’est pas seulement une pratique extérieure ; c’est plutôt une grâce, qui a des effets spirituels sur plusieurs plans.

    1. Le jeûne aide à l’élévation spirituelle. Le symbole en est le char d’Elie, qui avait jeûné pendant quarante jours avant son élévation au ciel sur un char de feu.

    2. La grâce du jeûne fait que l’homme pénètre en profondeur dans le sens de la Loi divine, des Dix Commandements, qui sont l’expression pratique de l’éthique et des valeurs du saint Évangile. Le grand prophète Moïse les avait reçus au Mont Horeb du Sinaï après y avoir passé quarante jours dans la prière et le jeûne.

    3. La grâce du jeûne a fortifié le prophète Daniel et lui a inspiré ses visions.

    4. La grâce du jeûne opère des miracles, comme lorsque le prophète Élisée ressuscita un mort.

    5. La grâce du jeûne a fortifié les trois jeunes gens qui ont résisté aux flammes de la fournaise des Babyloniens et les ont éteintes.

    6. La grande grâce que la pratique du jeûne procure est qu’elle nous rend spécialistes de Dieu ! Comme si, à travers le Carême, nous obtenions le degré de licence, de maîtrise ou de doctorat en “Spécialisation de Dieu”. Car l’objet de notre spécialisation est Dieu Lui-même !

    A cela nous invitent nos prières liturgiques durant les semaines du Grand Carême, avec des expressions répétées et diversifiées.

    Ces prières sont l’expression d’une expérience spirituelle profonde, vécue par nos Pères durant la période du saint Carême et qu’ils ont formulée en prières. Je vous invite à l’expérience spirituelle qu’expriment ces prières.
 Le jeûne communautaire
   J’appelle au jeûne communautaire. J’encourage les familles, les jeunes gens et les jeunes filles à jeûner. J’espère que le jeûne, uni à la prière et à la lecture de l’Écriture Sainte, pourra créer dans chaque maison une atmosphère de spiritualité familiale grâce à la participation de tous les membres de la famille, et ainsi renforcer et approfondir les liens spirituels familiaux et sociaux, et être un facteur d’unité. Cette unité est la base du bonheur de la famille et lui permet d’éviter les dangers qui la menacent aujourd’hui plus que jamais.

    La famille chrétienne est appelée à une mission spéciale et importante, afin de porter la nouvelle évangélisation à l’intérieur et à l’extérieur de la famille. A cela nous convie le document préparatoire, intitulé « Les défis pastoraux de la famille dans le cadre de l’évangélisation », de l’assemblée spéciale du Synode des Évêques qui aura lieu à Rome au mois d’octobre prochain.

    Nous espérons que le temps du Carême sera une bonne occasion pour réunir la famille tous les jours autour de l’icône de Notre Seigneur Jésus-Christ et de la Sainte Vierge, pour la prière et la lecture de l’Écriture Sainte, surtout du Saint Évangile. Puisse le Carême être un programme familial communautaire et un chemin vers la sainteté chrétienne !
Le Carême et la situation actuelle
    Nous appelons à intensifier la pratique du jeûne, dans ses deux aspects spirituel et corporel, du fait de la situation actuelle, tragique et sanglante, dans nos pays arabes en général, et plus spécialement en Syrie, au Liban, en Irak, en Égypte, en Jordanie et en Terre Sainte. La souffrance de nos concitoyens est très grande.

    Nous avons besoin des armes du jeûne et de la prière plus que jamais. C’est ce que nous enseigne Notre Seigneur Jésus-Christ quand Il dit (Marc 9, 29) : « Cette espèce-là ne peut s’en aller que par la prière. »

    Nous vous invitons à recourir à l’arme de l’esprit, à l’arme de la foi, à l’arme de l’espérance, lorsque vous êtes devant l’écran de télévision ou prenez connaissance d’autres moyens de communication. Ne vous laissez pas entraîner par des sentiments de désespoir, de dépression, de désillusion, par la tentation de blasphémer, par la perte de confiance en Dieu, en sa Providence, en son amour et en sa miséricorde.

    A cela nous a appelés le Saint Père François dans son message Urbi et orbi de Noël 2013 :

    « Le conflit en Syrie en a trop brisé [de vies] ces derniers temps, fomentant haine et vengeance. Continuons à prier le Seigneur, pour qu’Il épargne au bien-aimé peuple syrien de nouvelles souffrances et que les parties en conflit mettent fin à toute violence et garantissent l’accès aux aides humanitaires. Nous avons vu combien la prière est puissante ! Et je suis heureux qu’aujourd’hui des croyants de diverses confessions religieuses s’unissent aussi à notre supplication pour la paix en Syrie. Ne perdons jamais le courage de la prière ! Le courage de dire : Seigneur, donne ta paix à la Syrie et au monde entier. Et j’invita aussi les non-croyants à désirer la paix, avec leur désir, ce désir qui élargit le cœur : tous unis, ou avec la prière ou avec le désir. Mais tous, pour la paix […]

Chers frères et sœurs, en ce monde, en cette humanité aujourd’hui est né le Sauveur, qui est le Christ Seigneur. Arrêtons-nous devant l’Enfant de Bethléem. Laissons notre cœur s’émouvoir : n’ayons pas peur de cela. N’ayons pas peur que notre cœur s’émeuve ! Laissons-le se réchauffer à la tendresse de Dieu ; nous avons besoin de ses caresses. Les caresses de Dieu ne font pas de blessures : les caresses de Dieu nous donnent paix et force. Nous avons besoin de ses caresses. »   
 
    A notre tour, nous voudrions vous dire franchement : Je suis assiégé par les mêmes sentiments que vous. Vos pasteurs et moi, nous aussi nous sommes exposés au découragement, au désespoir et à la révolte intérieure. Vous et nous, nous sommes de la même et unique pâte : notre souffrance est la même que la vôtre, nos malheurs sont les mêmes, nos espoirs nous sont communs. Nous devons nous encourager les uns les autres par les sentiments et les appels. Ne nous laissons pas vaincre par des sentiments qui détruisent l’âme et le corps. Cela est aussi une partie de la pratique du Carême : il doit susciter en nous espoir et confiance.

Avec l'Église nous prions : « Du Carême la grâce pleine de clarté a resplendi sur nous en ce jour plus brillante que le soleil ; répandant sur nos âmes son éclat, comme nuages elle chasse nos péchés ; aussi courons nous d'un cœur léger, joyeux de parcourir le stade divin, et dans l'allégresse crions au Seigneur : Sanctifie ceux qui l'accomplissent fidèlement. » (Lucernaire de lundi du cinquième semaine du Carême)
                  + Gregorios III
                   Patriarche d’Antioche et de tout l’Orient,
                   d’Alexandrie et de Jérusalem


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(Daniele Rocchi) Gregorios III Laham, Patriarca melchita di Antiochia, di tutto l'Oriente, di Alessandria e di Gerusalemme, non ha dubbi: "Se non ci fossero pressioni indebite e milizie straniere nel nostro Paese, i siriani potrebbero risolvere la crisi da soli". La speranza di aprire (...)